II. Des modèles d’éducation anti-raciste
Léducation pour contrer le racisme se fait selon différents modèles inspirés des pratiques en cours. Jean-Paul Tauvel, responsable du Centre de ressources "Ville-école-intégration" du Centre national de documentation pédagogique, en France, distingue cinq modèles éducatifs (1).
Le premier modèle est qualifié de "républicain". Celui-ci "pousse à la limite les principes égalitaristes et universalistes de l'école [républicaine] et se traduit concrètement par la négation ou plutôt l'occultation volontaire de l'ethnicité dans le contexte scolaire". Tauvel se demande par ailleurs si ce modèle est toujours en phase avec la société actuelle où se dessine une tendance à lethnnicisation des rapports sociaux.
Le deuxième modèle est celui de lapproche morale. Cette démarche vise à réprimer le racisme "par une pression sociale forte, notamment en cas de passage à l'acte, et celle de fixer des interdits en ce domaine." Elle répond par ailleurs assez bien, selon lauteur, à l'idéalisme et à l'affectivité d'un public adolescent. Cette approche présenterait par contre le désavantage de s'exprimer "sous une forme manichéenne et peut favoriser une banalisation du racisme, qu'elle considère comme un bloc, sans gradation ni hiérarchisation." Elle risque surtout - dajouter Tavel - de ne convaincre que les convaincus et de pousser les autres à un repli sur un silence prudent ou hostile qui ne favorise guère le dialogue.
Le troisième modèle est celui de lapproche rationaliste ou intellectuelle. Il pose que le racisme est une erreur, "une idée fausse nourrie par lignorance, et qu'une argumentation rationnelle à base scientifique (unité génétique de l'espèce humaine) ou philosophique (relativité culturelle) est la meilleure arme pour en montrer l'inanité." Pour Tavel, cette approche permet de faire "prendre des distances avec certaines situations et de les dédramatiser. Elle a aussi l'immense avantage de postuler le primat de la raison sur l'irrationnel et la passion, ce qui en fait une démarche éducative et humaniste par excellence." Par ailleurs, Tauvel se demande si lanalyse rationnelle dun phénomène aussi passionnel peut suffire à faire taire les préjugés et à convaincre ceux qui ne veulent rien entendre. Enfin, il ajoute que cette approche peut comporter ses limites pédagogiques avec des jeunes enfants davantage sensibles "à dautres modes dappréhensions."
Le quatrième modèle renvoie à une démarche psychologique, "qui part du postulat qu'un véritable changement d'attitude ou de comportement ne pourra effectivement s'opérer que si le sujet met au clair ses propres représentations et attitudes dans sa relation à l'Autre. Cette approche, très prisée dans les pays de culture anglo-saxonne, "s'appuie méthodologiquement sur la libre expression en groupe ou l'auto-analyse individuelle de ces représentations à partir d'études de cas permettant au sujet ou au groupe de se positionner." Tavel prend le soin dajouter que cette démarche est très "implicante" pour le sujet et pour le groupe, mais facilite le transfert au plan comportemental. Difficile cependant à gérer, ce modèle exigerait une formation de type psychologique aux intervenants.
Le cinquième modèle privilégie une démarche transversale. Pour Tavel, cest lapproche la plus pratiquée en milieu scolaire. Elle emprunte "les voies de l'ouverture culturelle ou interculturelle (éducation au développement, sensibilisation à l'immigration, etc. ) de l'éducation civique, ou de disciplines scolaires traditionnelles comme l'histoire." Ce modèle débouche, selon Tavel, sur des actions pédagogiques riches et diverses. Par ailleurs, "aussi intéressante soit-elle, cette approche laisse entière la question du mode de transmission pédagogique et de la réceptivité d'un public scolaire, [
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