Centre international de formation à l'enseignement des droits de l'homme et de la paix
Rapport de la 20e session internationale du CIFEDHOP
Genève, du 2 au 13 juillet 2002
Thème
Vingt ans de formation : bilan et perspective
IV. THEMES ET PROBLÉMATIQUES DENSEMBLE
4.1. Débat inaugural : les défis actuels de léducation : quelles conséquences pour léducation aux droits de lhomme ? Sous la présidence de M. Jean Hénaire, Directeur des publications du CIFEDHOP, avec M. Pape Diouf, Institut universitaire du développement, Genève, M. François Audigier, Faculté de psychologie et des sciences de léducation, Genève, et Mme Christina Sganga, consultante en droits de lhomme, Amsterdam.
Principaux points de discussion lors de ce débat :
- Le droit à léducation
Les grands défis actuels de léducation et leurs conséquences sur léducation aux droits de lhomme concernent tous les pays. Au nombre des enjeux en cause, notons principalement la problématique de laccès à léducation. Pour atteindre lobjectif du forum de Dakar 2000, il faudra scolariser une population de plus de 500 millions denfants, surtout en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est. Devant cette urgence d'atteindre les objectifs de l'éducation pour tous (EPT), on observe, selon lONU, une diminution des contributions des bailleurs de fonds. De plus, les tragiques événements récents en rapport avec le terrorisme mondial suscitent de nouvelles inquiétudes quant à l'impact des préoccupations de sécurité sur le financement des secteurs sociaux en général et de l'éducation en particulier.
- La commercialisation de léducation
La tendance observée à vouloir faire entrer léducation dans le jeu de la concurrence commerciale à léchelle mondiale laisse présager lémergence de lécole marchande. Les services sont le secteur en plus forte croissance dans léconomie mondiale, plus particulièrement celui de la santé qui, aujourdhui, représente 3.500 milliards de dollars de dépense mondiale annuelle, et celui de léducation qui en représente 2.000 milliards. Signé en avril 2002, lAccord général du commerce des services (AGCS) inclut alors les services déducation dans la liste des secteurs de services à libéraliser. Selon Mme Tomasevski, rapporteuse spéciale de lONU sur le droit à léducation, la tendance à considérer léducation en tant que moyen de constituer un capital humain et la perspective que léducation puisse sacheter et se vendre comme un service montre quil est indispensable de réaffirmer que léducation est un droit de lhomme et un service public gratuit.
- De laccès à léducation à la qualité de la formation
Selon OXFAM, lorsque les investissements publics s'effondrent, la qualité de l'éducation se détériore, et les frais de scolarité sont assumés par les foyers. Les dépenses par foyer atteignent aujourd'hui plus des deux tiers des dépenses totales pour l'éducation dans des pays comme le Mali et la Tanzanie. Du fait de ce processus de privatisation de facto, l'éducation n'est plus à la portée des plus pauvres et les filles sont les premières à souffrir de ces restrictions financières. Dans les pays développés, il conviendrait surtout de mieux exploiter la période de scolarisation obligatoire. Et Philippe Meirieu de sexprimer ainsi à ce sujet: "Que doit-il [lélève] avoir rencontré comme expériences sociales au cours de ses seize premières années ? Quels savoirs sont-ils absolument indispensables pour qu'il puisse affronter et comprendre un monde de plus en plus complexe et abstrait ? Tant que nous n'aurons pas tranché sur ces questions et tant que nous n'aurons pas retrouvé une grande ambition pour la scolarité obligatoire la question du collège ne pourra pas vraiment être traitée. "
- La violence scolaire
Le phénomène de la violence scolaire touche tous les pays sans distinction. Létablissement scolaire doit sadapter aux règles du droit et mettre en place des dispositifs favorisant la participation démocratique de tous ses usagers. Lécole doit souvrir aux réalités contemporaines, elle doit faire preuve douverture desprit et faire appliquer le droit à légard de tous ceux qui, sans distinction, la fréquentent. Mais la violence scolaire sexprime aussi par lintolérance à légard de lAutre et dont le racisme en constitue une des expressions les plus redoutables.
- Des repères à réaffirmer
Dabord, école publique et démocratie vont de pair. Lécole dessert une communauté dapprenants, de citoyens en formation et non des clients. Il faut aussi garantir lobligation de moyens afin dassurer la réalisation pleine et entière du droit à léducation. Dans cette perspective, il convient daffirmer la solidarité des droits. Dans un contexte de réformes éducatives, il est par ailleurs de toute première importance de souligner la nécessité dune formation juridique des éducateurs, mais aussi des élèves. Ces savoirs acquis doivent être mis en relation avec lexpérience et les valeurs démocratiques à privilégier. La banalisation de lintolérance traduit labdication de ses responsabilités.
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