Rapport de la 18e session internationale du CIFEDHOP
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Genève, du 9 au 15 juillet 2000
Thème
Le droit à l'éducation : finalités, enjeux et perspectives
V. DEROULEMENT DE LA SESSION
5.1. Débat inaugural : le droit à léducation
Sous la présidence de Jean Hénaire, Directeur des publications du CIFEDHOP. Invitée : Madame Kitty Arambulo Wilson, juriste, Secrétariat du Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies.
Le droit à léducation présente un portrait contrasté. Puisquil sagit dassurer à tous la jouissance effective de ce droit, un premier aspect de la problématique soulève une question de nature quantitative. Dans les pays de la zone OCDE, le droit à léducation est à toutes fins utiles assuré intégralement, du moins pour ce qui est de léducation préscolaire et de lenseignement primaire et secondaire. Par contre, lapplication du droit à léducation nest que très partiellement réalisé dans les pays en développement.
Dans un deuxième sens, davantage dordre qualitatif, le droit à léducation souffre de la qualité relative de lenseignement dispensé. Plusieurs aspects sont ici à considérer : le niveau de qualification des enseignants et des enseignantes ; le choix des approches pédagogiques ; le soutien aux élèves en difficulté dapprentissage ; les contenus de lenseignement ; les dispositifs dencadrement et létat des équipements mis à la disposition des classes et des établissements. Dautres facteurs loin dêtre négligeables sont à prendre à compte et au nombre des desquels on notera : la volonté et la capacité des États à assurer le droit à léducation ; la faiblesse actuelle du dispositif onusien dévaluation permanente en termes dindicateurs de contexte et de résultats ainsi que les effets pervers des politiques économiques néo-libérales sur les pays pauvres.
Le débat inaugural sur le droit à l'éducation a montré un sérieux contraste entre la noblesse de l'objectif d'une part et, d'autre part, la faiblesse des moyens ainsi que l'absence de ferme intention de réaliser cet objectif. De là, peut se poser la question de savoir si on a épuisé les virtualités du système actuel.
La noblesse de l'objectif est évidente. Il suffit de lire l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ses rédacteurs ont assigné aux Etats une tâche exaltante : faire en sorte que tout être humain ait accès à l'éducation. La noblesse est également dans le contenu conçu pour favoriser le libre épanouissement de l'individu et comme devant être un instrument de paix, de respect des droits de l'homme et de compréhension entre les peuples.
La faiblesse des moyens est, hélas, tout aussi évidente. Les États sont tenus au respect de ce droit en fonction de leurs ressources disponibles sans que, par ailleurs, un quelconque indicateur n'ait été prévu. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, malgré toute la bonne volonté qui l'anime, souffre de sa position au sein des Nations Unies. Et, pour finir, aucun système de saisine n'est prévu.
Peut-on encore se fier au système actuellement en place, pour espérer voir un jour se réaliser ce droit ? La question est permise. Peut-on, d'un côté, affirmer l'indivisibilité des droits de l'homme et, de l'autre, traiter le droit à l'éducation en parent pauvre alors même qu'il conditionne les premiers ? Peut-on sérieusement affirmer vouloir atteindre cet objectif et en confier le suivi à un Comité qui dispose de très peu de moyens ? Peut-on sérieusement vouloir atteindre cet objectif alors que, dans l'allocation des ressources indispensables à la réalisation de ce droit, une très large place est laissée à l'appréciation discrétionnaire des États ? Autant de questions qui ont été débattues tout au long de la semaine en compagnie des participants.Retour
5.2. Le droit à léducation : quelques repères socio-politiques jur
idiques et pédagogiques
Sous la coordination de Véronique Truchot, avec la collaboration de Raffik Boualam et de Marc Gourlé. Personnes-ressources : Michel Vuille, sociologue ; Ramdane Babadji, juriste ; Bernard Defrance, professeur de philosophie.
Les échanges de la journée ont principalement tourné autour de lécole en tant que lieu de droit. En effet, l'école ne peut éduquer au droit qu'à la condition qu'elle soit elle-même un lieu de droit. Or, l'est-elle? Pour tenter d'esquisser une réponse à cette question, il conviendrait, d'abord, d'examiner attentivement les principaux éléments constitutifs qui instituent l'école, c'est-à-dire :
- les fondements juridique, socio-politique et éducatif ;
- les contenus curriculaires ;
- les pratiques pédagogiques ;
- les règles de la vie scolaire;
- les approches évaluatives ;
- le projet éducatif.
Conduite à la lumière des droits de l'homme en tant que toile de fond, l'analyse de contenu de ces divers éléments permet d'apprécier dans quelle mesure l'école participe d'une éthique inspirée d'une culture de la paix et de l'égalité en droits pour tous et pour toutes. À titre dexemple, le contenu des règlements de lécole est un bon indicateur de démocratie scolaire.
Dans une conjoncture où la logique marchande donne des signes manifestes de vouloir influer sur les orientations et les choix de l'école, il convient également de rappeler que celle-ci est un bien public et non un carrefour d'intérêts catégoriels au goût du jour.
Les énoncés formels en faveur de l'école logée à l'enseigne des droits de l'homme constituent, au départ, de bons signes d'une volonté politique allant dans le même sens. Cependant, ces énoncés ne suffisent pas à eux seuls à assurer le respect effectif de ces droits dans l'école réelle.
Or, dans la réalité bien tangible qu'est le quotidien des rapports jeunes-adultes à l'école, on peut aussi se demander quelles conditions doivent être réunies pour que la règle pour l'un soit aussi la règle pour l'autre. Retour
5.3. Lévaluation du droit à léducation : discours et pratiques
Sous la coordination de Michel Bastien, avec la collaboration de Bernadette Jospin. Personne-ressource : Cecilia Braslavsky, Directrice du BIE.
Lintroduction de cette thématique avait pour but dexaminer des voies possibles dévaluation permettant de prendre la mesure de lapplication effective du droit à léducation par les systèmes éducatifs.
L'évaluation est un processus qui consiste à poser un jugement sur l'écart existant entre l'intention de départ marquée par une volonté d'atteindre un résultat et l'aboutissement de cette intention dans un temps généralement déterminé.
En matière de droits de l'homme, force est de reconnaître que l'évaluation de l'atteinte des objectifs que les systèmes se sont assignés souffrent d'insuffisances pour ce qui concerne la réalisation du droit à l'éducation, entre autres. Les difficultés des OIG à pouvoir évaluer les effets réels de leurs discours sur le terrain sont bien réelles; il peut en être tout autant pour le simple et essentiel projet éducatif qui, à l'échelle locale, ne dispose que d'un minimum de moyens pour évaluer latteinte de ses objectifs.
Mais il ne s'agit pas que d'une question de moyens. La fiabilité des instruments d'évaluation est, évidemment, à prendre en compte. De ce côté, dispose-t-on, en l'état actuel des choses, d'instruments fiables d'évaluation ?
À léchelle internationale des indicateurs statistiques existent, certes. Mais ils sont multiples et ne coïncident pas toujours (OCDE, UNICEF, UNESCO, PNUD). La qualité des bases de données ainsi que leurs mises à jour sont à géométrie variable et cet état de fait pose des problèmes de fiabilité et dinterprétation dans le temps; les contenus mêmes de léducation ne sont souvent lobjet que de comptes rendus sans analyse critique.
Au sein même des États, l'évaluation est souvent le fait de l'administration elle-même. Or, est-il possible d'être à la fois juge et partie ?
Nous ajouterons que dans le domaine de l'évaluation, il n'y a pas de modèle parfaitement ficelé et convenant à toutes les situations. Par ailleurs, l'évaluation en situation authentique, fondée sur la réalité concrète du terrain, est, peut-on le penser, un des meilleurs moyens d'apprécier un point particulier, notamment la posture de l'enseignant face à sa propre pratique. Retour
5.4. Lapplication du droit à léducation : obstacles et voies de réussite
Sous la coordination de Leïla Rhiwi et de Raffik Boualam. Personne-ressource : Françoise Lorcerie, sociologue et Taoufik Ayadi, historien.
Les travaux de cette journée ont permis d'identifier et de prendre la mesure des obstacles qui s'opposent à l'application effective du droit à l'éducation, entre autres :
- au plan socio-économique, l'énorme inégalité de la distribution de la richesse dans le monde ;
- au plan politique, la primauté des intérêts catégoriels sur la volonté populaire, qui cristallise les débats politiques autour d'une question de pouvoir ;
- au plan culturel, la pérennité de valeurs dont l'affirmation et l'entretien procèdent d'exclusion et de discrimination ;
- au plan éducatif, des contenus et des pratiques parfois explicitement discriminatoires, parfois cachées, encore plus difficiles à décoder.
Cela étant, force est de se demander au service de qui et de quoi est l'école. Pour tenter d'esquisser des éléments de réponse à cette question, cette journée nous a invités à affirmer des choix et à passer à l'action :
- faire de l'école une maison commune où les différences entre les personnes sont perçues comme une richesse fondatrice de l'apprentissage ;
- intervenir dans la mesure du possible auprès des personnes dont la responsabilité est évidente en matière de promotion de valeurs démocratiques, notamment la famille, la société civile, l'Etat et les organisations gouvernementales et non gouvernementales. Retour
VI. ANCRAGES JURIDIQUES
6.1. Principes et mise en oeuvre du droit international des droits de l'homme.
Par Yves LADOR (Conseiller auprès dorganismes internationaux, Genève)
Première partie
Après s'être familiarisés avec plusieurs instruments juridiques de droits de l'homme, les participants se sont interrogés sur les rapports que l'on entretient avec le droit et sur la spécificité et le contenu des droits de l'homme. Le droit international des droits de l'homme leur a été présenté, ainsi que la catégorie plus particulière du droit à léducation.
Deuxième partie
Dans la suite des principes du droit international des droits de l'homme et des particularités du droit à léducation, présentés dans la matinée, l'après-midi fut consacrée à la mise en uvre de ces droits en travaux de groupes. Les participants ont été invités à répondre aux questions suivantes :
"Quand ai-je recours au droit dans ma vie quotidienne ?" Quelles sont mes attentes quand jai recours au droit ?" "Dans votre pays, suite à une violation de droits de l'homme, quelle est linstance auprès de laquelle vous auriez recours?" "Quelle est la différence entre le politique et le judiciaire?" "Au niveau international, quelles sont les instances qui rentrent dans les catégories: société civile, politique, para-judiciaire et judiciaire au niveau régional et universel ?" Retour
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